Le rôle d'une Tsen Khang ou d'une Résidence d'un protecteur
Le temple Trodé Khangsar est classé dans la catégorie des tsen khang. Un tsen est une sorte d'esprit féroce et guerrier. La plupart des tsen sont des déités régionales (yul lha) qui ne sont pas suffisamment stables et fiables pour qu'on les considère comme des déités protectrices locales. Cependant, ce terme ne fournit que l'origine étymologique de l'appellation tsen khang qui, mis en contexte, doit être considéré comme une « résidence d'un protecteur » puisque les tsen khang à Lhassa sont intégrés à des institutions monastiques et remplissent diverses fonctions. En outre, les tsen khang à Lhassa désignent des protecteurs qui ne sont pas simplement membres de la classe des tsen5.
The Temples of Lhassa décrit la nature et le rôle des tsen khang à Lhassa de la façon suivante (TOL, 173) :
Plusieurs tsen khang de Lhassa sont devenus des institutions monastiques, faisant habituellement partie d'une communauté plus grande, et plusieurs participaient aux affaires de l'État. L'oracle était généralement un moine et des moines subordonnés s'occupaient de l'entretien du lieu de pratique... Ils étaient tous [les tsen khang] rattachés à des communautés Géloug durant la période du Ganden Po-trang, mais leur histoire antérieure à cette période demeure obscure.
Bien que la plupart de ces tsen khang aient préexisté à l'établissement de la secte Geloug, cette transition vers une institutionnalisation et ce rattachement ultérieur aux monastères gelougs a culminé à l'époque du Cinquième Dalaï-Lama6.
Dans le groupe des quatre tsen khang mentionné précédemment, chacun possède sa propre histoire et héberge un protecteur particulier.
- Rabsel - Le tsen khang appelé Rabsel héberge Lutsen Thoutob Wangchug qui protège la statue Jowo Shakyamouni qui se trouve dans le Tsouklhangkhang. À l'origine, cet esprit Naga protégeait la statue Jowo Shakyamouni en Inde. Plus tard, lorsque la statue fut transférée en Chine puis au Tibet, l'esprit l'a suivi. Au début, le tsen khang Rabsel était sous le contrôle de la secte Nyingma, mais ce contrôle fut transféré au monastère de Séra Mé par le Cinquième Dalaï-Lama (GCJ, 32).
- Karmashag - D'abord sous le contrôle des Karmapa (TOL, 183), la gestion du tsen khang Karmashag fut également confiée au monastère de Séra Mé par le Cinquième Dalaï-Lama (GCJ, 32).
- Darpoling - Associé au protecteur de la vallée de Lhassa nommé Chingkarwa, la gestion de Darpoling fut confiée, durant le règne du Cinquième Dalaï-Lama, au monastère personnel du Dalaï-Lama, Namgyal (TOL, 175).
- Tengyeling - Finallement, Tengyeling, dont la régence appartenait à Démo Rimpoché, contient un tsen khang pour la déité protectrice Tsiou Marpo, un protecteur associé à Samyé et subjugué par Padmasambhava (GDT, 115).
Bien que le Trodé Khangsar ne fasse pas partie de ces quatre tsen khang originaux, son rôle et sa relation avec l'institution géloug, Riwo Choling (ri bo chos gling) en l'occurrence, ne sont pas différents. Toutefois, son apparition tardive permet d'avoir une meilleure idée de sa création. Un point non résolu cependant demeure l'existence ancienne sur la même parcelle de terre d'un deuxième tsen khang. Il est possible que le tsen khang préexistant à cet endroit, dédié à l'esprit tsen Khatché Marpo, ait été lié à Tsiou Marpo. Khatché Marpo est l'un des « sept frères » ('bar ba spun bdun) de la suite de Tsiou Marpo (TSH, 55) et Khatché Marpo assuma le rôle d'assistant de Dordjé Shougden quand celui-ci est apparu au 17e siècle.
5 Le bouddhisme tibétain reconnaît l'existence de huit types d'esprits (lha srin sde brgyad) dont les tsen. L'esprit protecteur Tsiou Marpo est parfois considéré comme un yaksha (gnod sbyin) et parfois comme un tsen. Il n'est pas clair toutefois si le protecteur de Rabsel est un naga (klu) ou un tsen. Dordjé Shougden est habituellement classé dans la classe des gyelpo (rgyal po) bien qu'il soit à l'occasion considéré comme un tsen. Ceci est peut-être un signe que le mot tsen peut être utilisé comme une désignation générique pour tous les types de protecteurs. Par conséquent, la traduction de Tsen Khang par « résidence d'un protecteur » est adéquate.
6 On lit dans Women in Tibet (WIT, 151) : « Il est bien connu que c'est à l'époque du Cinquième Dalaï-Lama que les oracles en vinrent à occuper une position élevée dans les hautes sphères du pouvoir puisque c'était eux qui avaient la charge de désigner les nouvelles réincarnations à la tête de l'État. L'importance des oracles de niveau élevé comme Néchung, Gadong et Lhamo Choyong pour les affaires politiques et religieuses remonte à cette époque... L'empereur Qianlong confirma en 1792 le rôle des oracles dans le choix des Dalaï-Lama et Panchen Lama.
