Nyungné Lama Yéshé Zangpo
(18e siècle)
« Le seul fait de se souvenir de vous permet d'écarter les obstacles externes et internes. Pourvoyeur des quatre activités, vous cinq familles de Dordjé Shougden, je me prosterne devant vous et devant vos suites. »
Yéshé Zangpo, mieux connu par son titre de Nyungné Lama Yéshé Zangpo, est également connu par la forme sanscrite de son nom, Jñanabhadra. Ce nom provient de l'un de ses faits d'armes les plus célèbres, comme on peut le lire dans le dictionnaire de la Conque Blanche1 :
Le temple de Nyungné se trouve sur la frontière est de Zhidé [l'un des quatre domaines appartenant au régent au centre du Lhassa historique, il s'agit de Zhidé qui a été associé à la lignée des Réting Rimpochés] qui a été fondé au 18e siècle par Nyungné Lama Yéshé Zangpo, un élève de Tséchog Ling Khachen Yéshé Gyaltsen, un Yongzin [gourou racine] du Huitième Dalaï-Lama, Jampel Gyatso. L'objet sacré le plus précieux qui s'y trouve est une statue d'Avalokiteshvara d'une hauteur d'un étage, ayant onze faces, mille bras, mille yeux et fabriquée à partir des six métaux médicinaux [or, argent, cuivre, fer, laiton et zinc]. C'est à ce temple possédant huit piliers que le peuple de Lhassa se rencontre au cours du quatrième mois tibétain [Saka Dawa] pour suivre la tradition de Nyungné.
De fait, ce temple est dédié à la pratique de Nyungné qui consiste en un rituel fastueux à Avalokiteshvara très prisé par les Tibétains.
Selon sa biographie2, il a été ordonné par Yongdzin Yéshé Gyaltsen3 (1713-1793) — détenteur de la lignée des Écriture Émanées de Ganden4 et l'un des plus importants maître géloug du 18e siècle — qui lui donna son nom de Yéshé Zangpo. Yongzin Yéshé Gyaltsen avait fondé le monastère de Tséchog Samten Ling5 au sud de Lhassa au 18e siècle. Sous la tutelle de Yongzin Yéshé Gyaltsen et de son principal disciple Lama Yéshé Tenzin, Yéshé Zangpo étudia les soutras et les tantras ainsi que les étapes de la voie (lam rim), les étapes de la génération et de l'accomplissement des tantras de Guhyasamaja, Héruka et Yamantaka6. Après cela, il se retira dans une caverne comme l'avait fait Milarépa pour pratiquer l'austérité et la méditation. Finalement, il retourna au monastère de Tséchog Samten Ling à la demande de Lama Yéshé Tenzin pour en devenir le lama principal et l'enseignant attitré des étapes de la voie.
Après avoir ainsi enseigné plusieurs années au monastère de Tséchog Samten Ling, des pratiquants du Nyungné résidants lui demandèrent de venir à Zhide où il demeura plusieurs années pour y enseigner. Ses écrits ont été réunis dans deux volumes et ils portent principalement sur les étapes de la voie, l'entraînement de l'esprit et le Mahamudra. Grâce aux enseignements qu'il prodigua, il maintint vivante la tradition gélougpa à une époque (fin du 18e siècle) où plusieurs des grands maîtres gélougpas comme Yongdzin Yéshé Gyaltsen, Purchog Ngawang Jampa et Longdol Lama étaient décédés.
L'une des mentions les plus célèbres concernant Dordjé Shougden en occident se trouve dans Oracles and Demons of Tibet de René de Nebesky-Wojkowitz publié en 1956, car, ce que l'on sait moins, c'est que le rituel qui occupe la moitié d'un chapitre7 est un extrait du rituel long d'exaucement consacré à Dordjé Shougden composé par Nyungné Lama. Le premier extrait traduit est une description du mandala de Dordjé Shougden :
Entouré par un cercle de fer météorique, un grand et spacieux gur khang [cercle rituel] de vents terrifiants, noirs et rapides.
Vient ensuite la description des détails terrifiants et macabres de l'environnement, typique des descriptions des mandalas des déités courroucées, ainsi que la description de la figure principale du mandala :
Le seigneur protecteur de royale créance, le grand roi de dgra lha, le « Roi de l'esprit », le terrifiant rDo rje shugs ldan dont le corps est rouge foncé et qui devient féroce comme un sauvage raksasa...
Puis, suit la description de sa suite :
À l'Est se trouve l'« émanation du corps » (sku'i sprul pa) nommée Zhi ba'i rgyal chen...
Au Sud se trouve l'« émanation de l'excellence » (yon tan gyi sprul pa) nommée rGyas pa'i rgyal chen...
À l'Ouest se trouve l'« émanation de la parole » (gsung gi sprul pa) nommée dBang 'dus rgyal chen...
Au Nord se trouve l'« émanation du karma » ('phrin gyi sprul pa) nommée Drag po'i rgyal chen...
Nebesky-Wojkowitz compare les noms de ces cinq émanations et leurs représentations iconographiques à ceux que l'on trouve dans le Kangso de longueur moyenne (bskang chog 'bring bo) composé par Pabongkha Rimpoché. Ensuite, Nebesky-Wojkowitz traduit la section des invocations où sont énumérés divers lieux sacrés (gnas) communs [du Bouddhisme] et spécifiques à Dordjé Shougden. Cette liste mentionne ces lieux en donnant certaines informations permettant de les décrire :
Le paradis du Sambhogakaya du Bouddha nommé Gandhavyuha ('og min zhing).
L'étang où se sont retrouvés les restes de Toulkou Dragpa Gyaltsen après qu'ils eurent été jetés dans la rivière Tsangpo (Chu mig dkar mo).
Le temple dans Sakya où avaient lieu les kangsos pratiqués en l'honneur de Dordjé Shougden (Sa skya rmu chung).
L'autel dédié à Dordjé Shougden au monastère de Ngor (Ngor gyi rten mkhar).
Le monastère géloug de Riwo Choling dans la vallée de Yarlung responsable de l'entretien du temple Khra 'brug et du Trodé Khangsar à Lhassa (Ri bo chos gling).
Une chapelle située dans la vallée de 'On de la vallée de Yarlung ('On gyi gtsug lag khang; voir la section consacrée à 'On Gyalse Rimpoché).
Un monastère près du monastère de Ganden (bKra shis ljongs).
Le Trodé Khangsar, c'est-à-dire le btsan khang consacré à Dordjé Shougden et fondé par le Cinquième Dalaï-Lama, où avaient lieu les invocations de Dordjé Shougden par l'oracle (sPro khang bde chen lcog).
Kha'u brag rdzong, le lieu où « le Lama Kha'u-pa invoquait la déité Mgon-po-zhal-(bzhi). À cet endroit se trouve également une caverne appelée Dpal Mgon-thim-pa dans laquelle il y a une syllabe tibétaine A qui est apparue d'elle-même. Plusieurs ont également trouvé à cet endroit des blocs noirs de forme triangulaire que l'on nomme Dpal Mgon-kyi bla-rdo (c'est-à-dire roches « de force-vitale » de Dpal Mgon). »9
La mention de ces endroits ainsi que d'autres non mentionnés ici donne un aperçu des lieux qui étaient considérés comme saints (gnas) dans un sens propre et général. Dans certains de ces lieux se trouvaient des monastères qui étaient sous la protection de Dordjé Shougden à cette époque (fin 18e siècle - début 19e siècle).
Puis, René de Nebesky-Wojkowitz poursuit en décrivant la section du rituel où se trouvent les offrandes faites à Dordjé Shougden et à sa suite10. Le premier folio11 du manuscrit tibétain traduit par René de Nebesky-Wojkowitz est translittéré en codes Wylie dans l'appendice du livre. Le titre, le nom de l'auteur et certaines parties du colophon sont traduits dans l'appendice d'un texte intitulé : 'jam mgon rgyal ba'i bstan bsrung mthu ldan dgra lha'i rgyal chen yongs kyi gtso bo srid gsum skye 'gro kun gyi srog bdag sprul pa'i cho skyong rgyal chen rdo rje shugs ldan rab 'jigs khro bo sku lnga'i sger bskang rgyas pa dga' ldan bstan srung ldan dgra tshar gcod ma bzhugs so. Le colophon précise13 :
Ce texte a été composé et écrit par le bla ma Djñanabhadra de sMyung gnas (lha khang) à Lhassa, à la demande du supérieur du monastère bKra shis chos gling de lHo brag et de l'assemblée des moines de cet établissement religieux, ainsi que de sde sras bSod nams dpal 'byor et plusieurs autres pratiquants de ce srung ma. Le mgron gnyer Blo bzang shes rab de sBar kha et dPal ldan don 'grub de mDo sgar ont payé pour la gravure des blocs.
On s'aperçoit ainsi qu'à cette époque la pratique de Dordjé Shougden était devenue assez populaire dans le sud du Tibet, entre autres. En outre, vers la fin du 19e siècle, ce texte avait été exporté en Mongolie puisqu'il est mentionné le catalogue (dkar chag)14 de Lobsang Tamdin qui se trouve dans le be bum qu'il a consacré à Dordjé Shougden. Par conséquent, ce texte ne peut être qualifié d'obscur, ce dont on trouve une confirmation dans le journal de voyage de Nebesky-Wojkowitz publié sous le titre de Where the Gods are Mountains15 dans lequel un chapitre est consacré à la description d'une exécution de ce rituel dans un monastère dirigé par Dhardo Rimpoché. Puisque les événements décrits se sont déroulés au cours des années 1950, c'est-à-dire après que la période d'influence de Pabongkha Rimpoché eût commencé, on voit que les versions écrites par ce dernier n'avaient pas nécessairement remplacé toutes les versions antérieures.
On peut trouver la version intégrale de ce texte dans le be bum16 consacré à Dordjé Shougden. On peut également trouver une trace de son existence dans Asian Classics Release IV. Dans la section des références, on trouve un catalogue (R0020) avec la mention :
Grand nombre d'ouvrages de plusieurs Maîtres de toutes les traditions bouddhistes indiennes et tibétaines, à partir des précieux Kangyur et Tengyur, trouvés dans le temple Puntsok Rabten aux établissements religieux de Kyabdjé Trijang Rimpoché.
Cette collection est attribuée au précédent assistant de Trijang Rimpoché, Kungo Palden. On y mentionne un texte écrit par Nyungné Lama intitulé rdo rje shugs ldan gyi bskang chog sdang dgra tsar gcod. Il s'agit du titre abrégé du rituel décrit ci-dessus. En outre, il se trouve également mentionné dans Tibetan Texts in the Bihar Research Society par David Jackson17 sous le titre complet mentionné ci-dessus par Smyung-gnas-bla-ma Ye-shes-bzang-po, « Propitiation du protecteur Rdo-rje-shugs-ldan ».
Lorsqu'on scrute attentivement la version originale tibétaine de ce texte (qu'on peut retrouver persqu'en entier dans l'appendice du livre de Nebesky-Wojkowitz), on peut noter plusieurs faits intéressants concernant la nouvelle terminologie appliquée à Dordjé Shougden, la première mention du mantra long de Dordjé Shougden qui sera plus tard utilisé par Serkong Dordjé Chang et Pabongkha Rimpoché, ainsi que la description détaillée du mandala de Dordjé Shougden dont les implications sont notées dans le colophon. La nouvelle terminologie montre que le statut de Dordjé Shougden a été bonifié. Nous voyons ici la première mouture de plusieurs titres qui seront utilisés couramment dans les rituels composés aux 19e et 20e siècles. Parmi ces titres, en voici quelques-uns tirés du titre du rituel mentionné ci-dessus :
Protecteur du Dharma du Conquérant Manjunatha ('jam mgon rgyal ba'i bstan srung), le titre de « Conquérant Manjunatha » désigne ici Djé Tsongkhapa.
Seigneur de Tous les Rois des Dieux de la Puissante Guerre (mthu ldan dgra lha'i rgyal chen yongs kyi gtso bo).
Détenteur de la Vie de tous les Êtres des Trois Mondes (srid gsum skye 'gro kun gyi srog bdag).
Dordjé Shougden, le Protecteur du Dharma émané (sprul pa'i chos skyong rgyal chen rdo rje shugs ldan).
On trouve un autre titre important tout au long du rituel lui-même18 : Cinq Familles de Dordjé Shougden Tsel (rdo rje shugs ldan rtsal rigs lnga). Ce titre désigne la figure principale du mandala entourée des quatre émanations. Ce sens est précisé par le terme sku lnga. De même, les termes rgyal chen rigs lnga, utilisés pour la première fois par Sachen Kunga Lodro, renvoient aux cinq émanations de Dordjé Shougden.
Dans le texte lui-même, on trouve plusieurs variantes de ces titres. Évidemment, plusieurs textes ultérieurs consacrés à Dordjé Shougden utilisent également des variantes de ces titres. Quoi qu'il en soit, l'origine des titres exprimant une telle marque de déférence se trouve dans ce rituel composé par Nyungné Lama, ce qui contredit l'affirmation de Georges Dreyfus selon laquelle ces titres auraient été attribués à Dordjé Shougden et popularisés par Pabongkha Rimpoché et ses disciples19. Bien que Dreyfus ait raison de dire que ces titres illustrent la promotion de Dordjé Shougden en tant qu'une des figures centrales de l'école géloug, ce changement de statut a de toute évidence été amorcé à l'époque de Nyungné Lama. Bien que le titre de 'jam-mgon bsTan-bsrung ait été parfois attribué à la déité protectrice Chos-kyi rGyal-po20, à qui l'on a donné également les titres de Dharmaraja ou Roi du Dharma et qui était le protecteur attitré de l'école géloug à la demande de Djé Tsongkhapa lui-même, Dordjé Shougden est le premier protecteur que l'on ait communément désigné par le titre de Protecteur du Second Conquétant Manjunatha.
L'utilisation de ces titres a été confirmée plus tard par des lamas comme Rongchen Kirti Lobsang Trinley (1849-1904) et Serkong Dorje Chang (1856-1918). Pour pouvoir évaluer l'affirmation de Dreyfus avec plus de justesse, nous devons nous demander si la promotion qu'a connue la figure de Dordjé Shougden n'était que nominale ou si elle correspondait à l'attribution d'un rôle plus important. Pour répondre à cette question, il est nécessaire d'examiner plus en détail le contenu du rituel ainsi que son colophon.
Dans le colophon du rituel21, il est précisé que son auteur, Nyungné Lama, alors qu'il assistait à une invocation de Dordjé Shougden par l'oracle (khog phebs) au Trodé Khangsar (lha ldan spro khang), avait été mandaté de façon pressante pour composer un rituel d'offrande de tormas à une figure supramondaine courroucée ('jigs rten las 'das pa'i rang chog) et de demande d'exaucement aux cinq formes (sku lnga). Ceci montre que ce rituel devait être similaire aux autres rituels consacrés aux protecteurs supramondains comme Dharmaraja, le premier protecteur de l'ordre des gélougs. Afin que Dordjé Shougden puisse devenir le principal protecteur de la doctrine de Djé Tsongkhapa, un tel système de pratique était indispensable.
On retrouve la même tendance tout au long du texte du rituel à présenter Dordjé Shougden comme le protecteur de la doctrine Djé Tsongkhapa, en lui demandant, par exemple, « de protéger le Bouddhadharma en général et, plus spécifiquement, les enseignements sur les Soutras et les Tantras de Manjunatha Dharmaraja Djé Tsongkhapa »22. On peut également voir des traces de cette tendance dans l'iconographie de la figure principale de Dordjé Shougden telle qu'on la trouve dans la traduction de Nebesky-Wojkowitz23 :
Ses cheveux de couleur jaune-brun sont dressés sur sa tête et, dans la partie centrale au-dessus de lui, à l'intérieur d'un mandala de soleil, se trouve le Seigneur-Protecteur et roi de la religion, le Grand Tsongkhapa affichant une attitude sereine.
En outre, sa forme supramondaine est extrêmement courroucée comme celle de Dharmaraja. Il ne manque aucun signe du caractère courroucé [de la déité] dans les demandes qui lui sont adressées dans le rituel. Ce dernier contient des requêtes comme celle d'annihiler tous ceux qui font du tort à la doctrine de Manjunatha ('jam mgon bstan la gnod byed tshar gcod mdzod). Ce courroux est destiné à protéger la tradition de Djé Tsongkhapa. On voit la même chose dans l'invocation traduite par Nebesky-Wojkowitz24 :
Le seigneur de la religion qui détruit tous ceux qui accomplissent des actions néfastes, les ennemis de la loi religieuse et tous les démons qui créent des obstacles, [celui qui] peut arriver à une concentration parfaite de l'esprit, le seigneur protecteur de la foi infaillible, le grand roi de dgra lha, le « roi de l'esprit », le terrifiant rDo rje shugs ldan.
Ce rituel contient deux autres éléments qui ont joué un rôle important par la suite. Le premier est le long mantra de Dordjé Shougden. Le deuxième est une courte prière adressée à Dordjé Shougden25 :
Le seul fait de se souvenir de vous
Dissipe les obstacles externes et internes.
Dispensateur des quatre activités, Cinq Familles de Dordjé Shougden,
Je me prosterne devant vous et vos suites.
Au regard de tout ceci, la thèse de Georges Dreyfus, selon laquelle Pabongkha Rimpoché aurait été celui qui aurait amorcé le mouvement de renaissance de la pratique de Dordjé Shougden, est mise à rude épreuve. En effet, il semble que cet auteur et ce texte ont été, au 19e siècle, à l'origine d'une nouvelle ère pendant laquelle Dordjé Shougden est devenu, compte tenu des titres et des tâches qu'ils lui ont été assignés, le protecteur des gélougs partout au Tibet central, en Amdo, dans le Kham et en Mongolie. En outre, contrairement à ce que suggérait Dreyfus26, la promotion de Dordjé Shougden comme protecteur de la tradition géloug n'a pas marqué la fin du recours à d'autres protecteurs comme Dharmaraja, ni leur destitution de leur rôle, ni l'abandon de leurs cycles de rituels. Même Pabongkha Rimpoché n'a pas remplacé Dharmaraja par Dordjé Shougden dans le cycle des rituels consacrés à Vajrabhairava27 ou aux autres yidams et leurs protecteurs de sagesse respectifs.
Nyungné Lama a composé un autre court rituel intitulé chos kyong rgyal chen rdo rje shugs ldan la 'phrin bcol mthu stobs drag rtsal gnam lcags thog 'bebs. Les titres des deux rituels évoquent le courroux nécessaire pour repousser les ennemis du Dharma, de la paix et de l'harmonie comme le montre l'expression sdang dgra tsar gcod qu'on trouve dans le titre du premier et l'expression drag rtsal gnam lcags (qui signifie « tonnerre de courroux », c'est-à-dire quelque chose de si puissant qu'on ne peut le supporter). Voici la traduction d'un extrait de ce court rituel composé par Nyungné Lama28 :
HOUM
Lamas, Yidams, Héros,
Dakinis, Gardiens du respect des Voeux,
En particulier Dordjé Shougden Tsel
Et sa suite, faites en sorte
Que j'atteigne mes objectifs
Et que se réalisent tous les espoirs que moi,
Le yogi, j'ai d'accomplir
Le Saint Dharma auquel j'aspire.De même que vos fortunés fidèles
Se réunissent autour de vous
En un rien de temps,
De même, détruisez les [obstacles] du yogi.
Accomplissant des buts hors du commun
Et oeuvrant au bonheur et à la satisfaction
Du corps, de la parole et de l'esprit,
Je me mets à votre service avec dévotion
Sans transgresser de quelque façon vos souhaits,
Utilisant mon corps pour servir
Et exécuter quoi que vous me demandiez.
Je vous vois en esprit comme un Bouddha
Demeurant auprès de moi,
Modèle d'une conduite pure et de dévotion.
Faisant croître la durée de la vie, le mérite et les aptitudes,
Et, honoré de tous,
Vivant pieusement sans orgueil,
S'il vous plaît, accomplissez toutes les activités
Pour que tous mes objectifs soient atteints sans peine.
1 Dung dkar blo bzang 'phrin las (2002), p. 1798.
2 Blo bzang ye shes bstan 'dzin rgya mtsho (1967), pp. 122-125.
Trijang Rimpoché, dans son texte sur Dordjé Shougden intitulé Music Delighting the Ocean of Protectors — commentaire sur le livre Fortunate Aeons de Dagpo Kelsang Khedrup —, note que l'un des versets fait référence à Nyungné Lama Yéshé Zangpo. Il lui attribue le mérite d'avoir gardé vivante la tradition du lam rim aussi bien au bénéfice des laïques que les moines à une époque où les grands maîtres du 18e siècle avaient disparu. En outre, il soutient que ce lama avait été une émanation de Dordjé Shougden lui-même. Or, on pourrait penser qu'il est drôle qu'une émanation de Dordjé Shougden ait pu écrire des rituels consacrés à Dordjé Shougden. Mais, ceci n'a rien d'exceptionnel si l'on considère que Djé Tsongkhapa était une émanation de Manjoushri et que néanmoins il avait dû travailler dur pour pouvoir arriver à une vision directe de l'enseignement de Manjoushri. De même, beaucoup de grands maîtres ont été des émanations, mais ils ont dû suivre la voie commune de l'apprentissage des pratiques de yoga des déités de méditation comme tout un chacun.
4 Willis (1995), pp. 161-162.
7 Nebesky-Wojkowitz (1956), pp. 136-139, 140-142.
8 Nebesky-Wojkowitz (1956), pp. 140-142.
9 Wylie (1962), pp. 67-68.
10 Nebesky-Wojkowitz (1956), pp. 142-143.
11 Folios 2a-6a, pp. 565-568.
12 Nebesky-Wojkowitz (1956), pp. 584.
13 Nebesky-Wojkowitz (1956), pp. 584.
14 Lobsang Tamdin (1975), volume X, p. 403.
15 Nebesky-Wojkowitz (1956). Where the Gods are Mountains: Three Years Among the People of the Himalayas. Publié par Weidenfeld et Nicolson.
16 Guru Deva Rinpoche (1984), pp. 319-360. Il s'agit d'un rituel complet de Nyungné Lama.
17 Jackson, David (1989). The “miscellaneous series” of Tibetan Texts in the Bihar Research Society, Patna: A Handlist, p. 97. Bihar Research Society. Publié par Steiner Verlag Wiesbaden.
18 Guru Deva Rinpoche (1984), p. 320.
19 Dreyfus (1998), p. 247.
20 See Jigme Samten (1814-1881), 'jam mgon bstan srung chos kyi rgyal po'i 'phrin bcol las bzhi lhun grub dang de'i bsnyen pa gtong tshul sogs, TBRC Work RID: W5403.
21 Guru Deva Rinpoche (1984), p. 358.
22 Guru Deva Rinpoche (1984), p. 340.
23 Nebesky-Wojkowitz (1956), p. 138.
24 Nebesky-Wojkowitz (1956), p. 137.
25 Guru Deva Rinpoche (1984), p. 332.
26 Dreyfus (1998), p. 247.
27 Meditation on Vajrabhairava (2002). Traduit par Richard Guard et Sherpa Tulku. Paljor Publications.
28 Guru Deva Rinpoche (1984), pp. 361-365.
